Les années passent, les perceptions s’intensifient. Je les apprivoise, mais ne m’y habitue pas. Elle ne sont pas contrôlées, mais gérables.
Mes parents font de leur mieux pour comprendre. Mais quelle difficulté, lorsque l’invisible vient troubler votre quiétude. Il semble inéluctable qu’être parent ne s’apprend pas dans un manuel. Faut-il encore avoir la chance d’être confronté à des obstacles dont l’entourage détient déjà l’expérience. Nous n’avons malheureusement pas cette longueur d’avance. Alors nous avisons, ensemble.
Ensemble veut dire beaucoup. Ensemble signifie que face à un obstacle, chacun adopte son point de vue. Mais chacun respecte celui de l’autre, et lui donne gain de cause. Lorsque vous êtes un enfant, dans une société comme la mienne. Vous êtes entièrement dépendant de vos deux parents. Et lorsque ces derniers refusent l’existence de l’invisible, de l’inexplicable. Vous devenez alors dépendant du système médical, plus particulièrement du service de psychiatrie.
J’ai beau être une jeune fille, je n’oublie pas ce détail. J’ai conscience que l’inconnu, l’invisible fait peur, dans une société qui a perdu toute connexion avec son environnement, ainsi qu’avec sa planète. Je me sens chanceuse d’avoir pu exprimer et raconter chacune de mes peurs. Car je l’avoue, j’aurais pu devenir folle de devoir garder tant de stress et de peur dans mon coeur.
Je vous mentirais si je vous disais que je n’ai jamais douté de moi-même. Le doute ne nous quitte jamais vraiment. Alors on se teste, on se déteste, on se questionne, et on se re-questionne.
Tout cela tourne en boucle dans ma tête, à chaque moment où je sens un regard invisible posé sur moi. Je me demande, chaque fois, si je suis saine d’esprit. Ou bien encore, si quelque chose cloche chez moi. Mais je crois que je n’ai pas encore conscience que tout cela dépasse le mental et ses exigences. Ce que je suis ne dépend pas d’une norme. Ce que je suis dépend simplement des possibilités qui s’offrent à moi. Et dans le cas présent, les possibilités relèvent de l’infini.
Il y a un lieu particulier pour moi, un lieu où toutes mes perceptions me semblent claires. J’aime y aller, mais je n’aime pas y dormir. C’est un lieu que je côtoie souvent car l’une des personnes que j’aime le plus au monde y vie.
Cette personne c’est mon arrière grand-mère. J’ai la chance qu’elle soit toujours là, et qu’elle embellisse ma vie. Il y a tout un tas de personnes que vous n’apprécierez pas dans votre vie. Ou du moins, qui ne vous laisserons qu’un vague souvenir. Et il y a ces personnes lumineuses, qui vous donnent foi en l’humanité, et en la vie. Ces personnes dont l’aura est si intense et si belle, que jamais vous ne pourrez oublier cette rencontre. C’est cette empreinte qu’a laissé mon arrière grand-mère dans mon coeur.
C’est donc régulièrement que nous lui rendons visite. Nous y passons parfois même des week-ends entiers. J’adore ces moments pleins de tendresse et de légèreté.
Je dois cependant avouer, que quelques détails me chiffonnent lorsque je dors chez elle. Il y a certaines pièces qui m’effraient. Une en particulier, dans laquelle je préfère ne pas m’aventurer seule.
***
Nous sommes un mercredi après-midi, je n’ai pas école, et maman ne travaille pas. Nous sommes toutes les deux dans la cuisine, assises à la table. Et nous vaquons à nos occupations. Durant ces moments, nous discutons beaucoup.
Voilà que nous abordons les bizarreries de la maison de mamie. Maman me demande ce que je ressens dans la maison, qui je peux y voir, et ce qu’il s’y passe. Ce que je ne sais pas, c’est que maman en connait beaucoup sur le passé de cette maison. Notamment sur ses précédents habitants. Et que chaque information que je vais lui transmettre concernant mes ressentis, sera forcément vérifiable.
Je me suis alors dit, que la pièce la plus éloignée, au fond du couloir, me faisait peur. Car lorsque je suis dedans je me sens vraiment oppressée.
Je constate que lorsque je lui parle de cette pièce, j’ai la sensation d’y être, et je capte beaucoup plus d’informations que lorsque j’y suis physiquement. C’est très étonnant comme sensation. C’est comme une connexion instantanée, à distance.
Je lui parle donc de cette pièce, et lui dis que lorsque j’y suis ou lorsque j’y pense, j’entends un homme hurler de douleur. Je l’entends se cogner la tête contre le mur. Et j’ai la sensation qu’il est allongé sur un lit, situé dans le coin de droite, au fond de la pièce.
Le fair est que cette pièce est aujourd’hui, une salle à manger. Avec une grande table, des chaises, des meubles remplis de vaisselle, et un sofa.
Maman m’écoute attentivement, sans montrer un quelconque signe ou avis. Puis elle me demande de lui parler de la chambre où nous dormons. Car nous dormons effectivement toujours dans cette autre chambre. Elle est en effet, la seule pièce dans laquelle je puisse rester sereine, pour toute une nuit. Cette chambre est composée d’un lit deux places, d’une armoire et d’un canapé-lit.
Je lui dis alors que cette chambre est également occupée. Mais que la présence est beaucoup moins oppressante. En effet, ce qui m’étonne, et je lui en fait part, c’est que cette présence parait sereine. Elle est presque toujours debout, faisant face à l’armoire. Elle regarde le meuble paisiblement, comme un rituel dont rien autour ne pourrait la disperser. Je lui décris la personne que je vois, avec les détails que je perçois.
Je vois tout à coup, un étonnement certain, se dessiner sur le visage de maman. Elle ne peut plus me cacher sa surprise. Ne comprenant pas, je me questionne sur les pensées semblants traverser son esprit.
C’est alors qu’elle m’explique le pourquoi d’un tel étonnement.
Il s’avère que cette maison était auparavant séparée en 3 petites habitations. Chacune faisant la taille d’une grand pièce. C’était une maison familiale.
Dans la salle à manger trônant au bout du couloir, vivait le frère de mon arrière grand-père. Son lit était dans le coin, au fond à droite de la pièce. Cette personne ayant développé une tumeur au cerveau, sa vie se termina pas d’atroces souffrances. Le faisant hurler de douleur, il allait jusqu’à se cogner la tête contre le mur.
La chambre où nous dormons était quant à elle une pièce à vivre, faisant plutôt office de cuisine. Les parents de mon arrière grand-père y vivaient. Ils avaient pour habitude de cuire leurs aliments dans la cheminée, et de s’en servir également pour se chauffer. La cheminée était donc le point central de la pièce, devant laquelle mes arrières-arrières grand-parents aimaient se reposer. Cette cheminée fut détruite, il n’en reste aujourd’hui, plus aucune trace. À l’emplacement exact de cette ancienne cheminée, se trouve aujourd’hui … Une armoire.
À cette instant ma mère n’en revient pas. Pour la première fois depuis toutes ces années elle saisit l’ampleur du phénomène. Elle voit ses doutes se dissiper. Pour la première fois, elle peut s’autoriser à accueillir pleinement la possibilité que mes ressentis soient réels. Il était en effet impossible que je connaisse tous ces détails sur la maison. Puisque ma mère les a connu lorsqu’elle était une enfant, aux environs des années 70. Les modifications de la maison ont été entreprises bien avant ma naissance. Et nous n’avions jamais mentionné la vie de mes ancêtres, dans cette maison.
Cette conversation aux abords anodins déclenchent une compréhension et une croyance certaine de ma mère face à mes ressentis.
Mais ce qui est plus important encore, est que cet échange m’a permis de croire en moi-même. D’accepter que mes ressentis puissent venir de faits réels. De l’existence pleine et entière de l’invisible.
Aujourd’hui, pour la première fois, je ne peux douter de moi-même.
Léa,
Nouvelles Vibrations