Cet article était initialement un partage fait dans le cadre d’un soin à distance collectif. Exceptionnellement, j’ai souhaité vous le partager gratuitement, car il me paraissait utile et riche. Merci pour votre soutien et votre lecture. Léa
Accueillir la saison sombre revient à accueillir ce qui végète, ce qui n’est pas encore totalement terminé, abouti. C’est accueillir ce qui retient une forme de fin. Je veux dire en cela, que notre part d’ombre nous est invisible, parce qu’on refuse l’idée même qu’elle puisse se rendre visible pour mourir. Que l’on accepte ou que l’on rejette cette par d’ombre, elle est là, cachée, latente, parfois gouvernante comme un marionnettiste fait se mouvoir sa marionnette.
La maladie par exemple, est bien souvent une information cachée qui, comme le poussin dans son oeuf, a besoin d’éclore pour aboutir sa transformation et vivre pleinement dans sa matière.
Mais tel un phoenix, une information ne peut se développer ou laisser la place, sans avoir expérimenté une forme de mort, au préalable. Car c’est bien de ses cendres qu’elle renaitra. Riche de ce qu’elle était. Et en pleine connaissance du potentiel qui s’offre à elle après cette transmutation. Ainsi, la maladie, l’émotion, un projet, un état d’être, une envie, sont individuellement, cette information qui a besoin de mourir pour laisser place au renouveau, ou pour devenir une forme aboutie, matérielle, finie, d’elle-même. C’est d’ailleurs ce que s’attèle à faire le corps, en laissant mourir une partie de ses cellules, pour en créer de nouvelles. Il fait perdurer son existence par une coexistence de vie et de mort, perpétuelles.
Cela peut-être un long processus où se joue un équilibre parfois précaire. Exprimant comme un besoin de jouer avec cette balance, pour y trouver la ressource nécessaire à sa propre transformation. Comme si la vie et la mort créaient ensemble, en se confrontant, une force et une forme de vie, dont la nature nous dépasse.
Mais pour laisser mourir, il faut apprendre à regarder la mort et accepter qu’elle face, paradoxalement, partie de la vie.
Toutes ces interactions, ces rôles, ces consciences de ce qui est et de ce qui n’est pas, s’affairent et communiquent, dans un système où chaque chose a sa place. Et chaque place a sa chose. C’est ainsi, que chaque seconde, un équilibre se crée (secret) entre force de vie et force de mort.
Certains d’entre vous prendront peut-être cet écrit avec une appréhension funeste. Il n’en est rien, puisque nous parlons ici de deux forces opposées mais complémentaires, qui font de nous ce que nous sommes. Des êtres dont la substance ne dépend que de l’entente entre un corps de matière et un esprit aux expressions divines.
La mort fait peur parce qu’elle questionne. Elle est secrète, elle est cachée, dans une société où ce que l’on cache est forcément de mauvais augure, sournois, mesquin. Et où ce qui est visible est une ultime et finie vérité. Or cette croyance est à l’origine de bien des tromperies et désillusions. Parce qu’elles vous poussent à croire que ce que l’autre rend visible est vérité, même si son apparence est un costume. Tandis que ce que vous ressentez, caché en votre coeur, vous trompe et vous fourvoie.
Lisez mais ne forcez pas la compréhension. Votre inconscient saura garder les informations qui vous sont pertinentes.
Ce soin a des allures particulières, car il n’est pas ici pour montrer. Il existe pour agir. Pour rééquilibrer la balance entre visible et invisible. Il vient vous présenter les vertus de ce qui est caché, tandis qu’il se fera discret sur ce qui pourrait vous être montré.
« Lecteur, tu me vois étendu,
La terre recouvre mon corps.
Avec mon âme, mon esprit
A gagné les hauteurs célestes.
Mais ils ne se sont pas enfuis,
Car le sépulcre est bien fermé.
Ils sont donc contraints par l’artiste
De venir rénover ma vie.
Je suis semblable au noir corbeau.
Quand vient le quatorzième jour
Je reprends le sceptre en ma main
Et fais que mon peuple prospère. »
Jamsthaler – Viatorium spagyricum – 1623 – Nigredo
Les alchimistes de tous temps ont cherché à dissocier le subtil de l’épais, l’esprit du corps, pour que l’un s’extrayant de l’autre, permette leur singulière et profonde purification.
Le corps est souvent considéré à tort comme étant une contrainte pour l’âme et l’esprit. Celui qui pose des limites étouffantes. Mais aujourd’hui, ce soin et les esprits guides qui l’ont initié vont nous apporter un nouvel éclaircissement sur sa fonction. Fonction qui est d’ailleurs très bien décrite dans le poème hermétique ci-dessus : « Ils sont donc contraints par l’artiste de venir rénover ma vie. ». Ici le corps est présenté comme étant un élément liant. Celui qui permet à l’esprit et à l’âme d’atteindre des sphères subtiles « supérieures » et d’en rapporter une forme de sagesse. Mais qui les maintien reliés à la matière, pour que de cette sagesse, ils en façonnent une création, une manifestation à part entière, dans la matière (l’âme à tiers, le trépas, les trois pas-sages).
Le corps est le Graal, la coupe qui par son pouvoir, sa maitrise de la magie terrestre, peut contenir l’eau de vie, l’eau de l’esprit. Là est la différence entre un vulgaire verre de table et un calice*. Le verre de table n’est considéré que pour sa fonction première, pragmatique. Tandis que le calice est considéré, consacré, valorisé, comme étant le saint récipient pouvant contenir « le sang » (l’essence) du saint esprit.
C’est ainsi que votre corps, votre esprit et votre âme, devraient être considérés. Comme étant les protagonistes d’une expérience valeureuse et noble. Comme étant les personnages d’une quête fastidieuse, mais valeureuse.
Comme présenté dans les premières informations relatives au soin, le corbeau s’est présenté comme maitre dans ce soin. Mais, cela ne vous rappelle t’il pas quelque chose ?
Jean De La fontaine était un initié qui, par ces fables, a transmis nombre de connaissances à nombre de générations.
Le Corbeau (corps beau), notion de beauté et d’harmonie, est flatté par le renard qui lui dit « Si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes le phœnix des hôtes de ces bois. ».
Je comprends cette phrase de cette manière :
« Si votre ramage » signifie « Si votre esprit »,
« Se rapporte à votre plumage », signifie « Est aussi beau que votre corps »
« Vous êtes le phoenix des hôtes de ces bois » signifie « Vous avez achevé votre grand oeuvre en accomplissant le dernier oeuvre (au rouge), c’est à dire la résurrection de l’être, la purification ultime. ».
À ce moment précis, le renard tente de « désoeuvrer** » le corbeau en faisant appel à ses bas instincts. Il le détourne de sa quête et de sa rigueur. Se laissant distraire, le corbeau retombe dans ses bas instincts égotiques, et ouvre le bec, laissant échapper son intime chant de l’esprit. C’est à ce moment là qu’il échappe son fromage, et le fait tomber à terre. Permettant au renard de le lui voler.
C’est interessant car, la chute du fromage me fait penser à la densification de l’information, au chemin que parcours l’âme pour s’incarner dans le corps. Pour prendre forme. Et ce qui est plus intéressant encore, c’est de s’intéresser à l’étymologie du mot « fromage ».
Car en effet, le mot fromage vient du grec « phorma » qui a donné « forma » en latin. On parlait à l’époque de caseus formaticus ou « Formage (fromage) fait dans un moule ». Ne nous est resté que le deuxième mot, qui a donné au fil du temps le mot que nous connaissons tous et toutes : fromage. Mais à l’origine sa signification et son origine viennent du principe de « mettre en forme ».
Aussi, en se laissant distraire, et en se détournant de sa quête profonde, le corbeau qui s’était élevé vers la sagesse des subtilités de l’être, est violemment retombé dans sa forme la plus grossière. Dans sa quête vers l’Or, il est redevenu vil métal. Ne nous méprenons pas, nombre d’histoires et nombre d’alchimistes nous mettent en garde. Peu importe où nous en sommes, nous ne sommes jamais à l’abris d’une vertigineuse (re)chute (à l’image de Lucifer, l’ange déchu qui dans son plein pouvoir retombe violemment sur terre). Une quête digne de ce nom, demande volonté et rigueur à chaque instant, sous peine de nous imposer de recommencer éternellement la même étape. Jusqu’à ce que nous soyons dans la capacité de préserver nos forces et notre sagesse.
J’y vois ici trois messages :
1 – Même le plus sage d’entre nous peut être rattrapé par ses bas instincts. La vigilance et la rigueur doivent être les fils conducteurs de toute notre expérience.
2 – L’attraction de la matière est forte, à chaque seconde elle nous apporte des épreuves vouées à éveiller ou réveiller, humilité et courage.
3 – Pour préserver la pureté de sa sagesse et de sa quête, il faut savoir faire de son corps un hermétique athanor, pour qu’il ne laisse pas s’échapper notre essence de vie, eau de l’esprit.
Rappelons que l’Athanor devait rester clos pendant une durée déterminée et parfois très longue, pour mener à bien les entreprises alchimiques.
Dans le soin d’aujourd’hui, le corbeau m’apparait comme le guide, celui qui connait les erreurs probables et leurs conséquences, celui qui se met à notre niveau. Mais qui en toute humilité nous guide, et nous propose un chemin à entreprendre. Le corbeau fait peur car il a parfois été vu comme un oiseau de mauvaise augure. Mais il est symbole de la matérialité, du corps, dans son processus de purification.
Le Maitre Corps-beau est là pour nous enseigner l’art d’incarner.
*Calice :
Vase sacré en métal précieux ou en matière noble pour la célébration de la messe et dans lequel est consacré le vin eucharistique. (cf.Larousse)
** Désoeuvré :
Qui n’a rien à faire, qui n’a plus d’activité essentielle ; privé de son centre d’intérêt. (cf.Larousse)
Fromage, étymologie :
https://androuet.com/etymologie-et-racine-du-mot-fromage-10-guide-fromage.html
Fable de la fontaine :
https://www.gommeetgribouillages.fr/CP/Corbeauetlerenard.pdf
Symboles du Phénix (ou Phoenix en anglo-saxon) :
https://www.patrickminland.com/images/4-News/6-motspluriels/lamythologieduphenix.pdf
—> Oui, la chambre à four, avec ses chevrons, ses murs nus et sa suie séculaire, c’était l’athanor où le feu se transformait en principe de vie ; voilà pourquoi je m’y réfugiais, pour y renifler dix siècles de ce vrai confort, qu’on n’a d’ailleurs jamais remplacé, et pour y mijoter les expériences gustatives personnelles, les seules valables. — (Henri Vincenot, La Billebaude, 1978, page 116)
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