J’ai eu la chance de parcourir un incroyable voyage au travers de la vie merveilleuse d’un lutin de la nuit.
Prise d’insomnie, je soulève la couverture, passe mes jambes dans la froideur ambiante. Décidant de prendre un bon bol d’air frais, j’ouvre alors doucement la fenêtre de la chambre. Le petit bruit sourd de la poignée de la fenêtre se fait entendre, lorsque je décide de l’ouvrir d’un mouvement décidé. À cet instant, je ressens la brise sur mes joues, et l’odeur si caractéristique d’un froid d’hiver.
J’observe mon jardin dans la nuit. Une nuit si claire, que je décèle le moindre détail de chaque maison, chaque arbre, chaque plante. C’est alors que vaseuse, et éprise de cette brise fraiche, je me décide à descendre dans le salon. Je me dis que j’y dormirais peut-être mieux. Je m’affaire à sortir couvertures, plaides, et oreillers. Je me façonne un nid douillet sur le canapé, et m’y cache chaleureusement.
Lorsque tout à coup, j’entends le son d’une petite cloche. Hésitante, je parfait le silence, tends l’oreille et … Ding ding ding ding ding. Cinq tintements mélodieux me parviennent. Ding ding ding ding ding. Puis cinq nouveaux tintements se font entendre. Curieuse, j’observe mon environnement. Quand tout à coup, par la fenêtre, je découvre un petit lutin tout de bleu vêtu. Un bleu marine profond et enivrant. Il porte une cape ornée de constellations. Et un drôle de chapeau où y est accroché ce qui me semble être un rubis, d’un rouge ardent.
À chaque tintement de cloche, à chacun de ses pas, apparaissent ce qui me semblent être de jolies plantes magiques. À chaque tintement de cloche, il me semble voir comme un vrombissement presque imperceptible. Mais si harmonieux, qu’il fait vibrer chaque cellule de chaque être vivant. À chaque tintement de cloche, c’est tout un univers qui se crée, c’est tout notre univers qui se questionne sur sa justesse. Tentée de retrouver sa place parfaite, l’harmonie réapparait dans tout ce qui est.
Je vois ce Lutin, marcher lentement, seul, concentré dans cette tâche qui semble ne pouvoir appartenir qu’à lui.
C’est alors que je l’interpèle : « Bonjour Lutin, qui es-tu ? Que fais-tu ? ».
Il me regarde, de ses yeux doux, attendrissants et paisibles :
« Je m’appelle Estredor, je suis un lutin de la nuit. Un lutin solitaire qui, chaque nuit, vient répandre sa magie. À chaque pas j’annonce le renouveau. Ma cloche est un outil précieux. Elle me permet de prévenir chaque esprit, du renouveau qui l’attend. Je porte en moi un adage puissant : « Créateur d’un nouvel univers, créateur de demain. Je tinte de ma cloche, le deux qui ne fait plus qu’un. ».
Je suis né il y a fort longtemps, d’une mère et d’un père aux pouvoirs puissants. Ma mère était une lutine du printemps et de la nature. Elle faisait partie d’un groupe veillant à ce que l’équilibre soit, en chaque élément, chaque être vivant. Elle s’appelait Ludmila, elle était très douée dans la réalisation de sa mission. Elle s‘occupait de maintenir l’équilibre entre le vent, la pluie, le soleil, l’orage. Mais elle était également très proche des végétaux, écoutant leurs doléances des heures durant, parfois même, des jours durant. Elle était douée d’harmonie et de bienveillance. Aimée de tout le monde, elle créait l’équilibre entre tout ce qui était.
Mon père lui se prénommait Rondéo, il était passionné par l’eau, sa puissance, sa capacité d’adaptation à tous les milieux. Il a passé sa vie à étudier l’eau et la magie qu’elle renfermait. Il a créé de nombreux breuvages médicinaux, et soigné nombre de nos villageois. Puis il est devenu de plus en plus connu dans toute la contée. Jusqu’à être connu du pays entier. Mais il n’a su faire face à cette notoriété, et a fini par se couper du monde, pour ne plus vivre que dans notre arbre maison.
J’ai 5 frères et soeurs. Ils sont tous passionnés et merveilleux. Mais je ne les côtoie que très peu. Mon mode de vie ne me permet que peu de vie sociale. Alors chaque année nous nous rassemblons, à l’occasion d’une journée de fête au sein de notre arbre maison. Nous l’appelons la « Fête des Jeunes Lumières ». Nous fêtons à cette occasion, l’arrivée de toutes les nouvelles idées qui ont nourri notre communauté l’année précédente, et qui ont permis à certains Lutins de se réaliser pleinement par cette tâche. C’est en quelque sorte une réunion des honneurs, où nous fêtons la réussite de nos frères et soeurs en leur offrant un repas copieux et plein de joie.
Concernant le reste de mon temps, je dois dire que je suis un lutin très solitaire. Petit déjà, j’aimais la nuit. Sa douceur, et sa mélodie si particulière. Vous savez, le jour et la nuit ont chacun leur mélodie. N’avez-vous jamais constaté que la nuit venue, il n’est plus rien qui ne se ressemble ? C’est le chant de la lune et le chant du soleil. Chacun revêt le monde de nouvelles couleurs, chantant frénétiquement leur joie de voir vivre ces milliards de magnifiques créatures. Ce sont mes grands amis, nous sommes des partenaires. La lune m’éclaire, afin de me guider dans les chemins où doit tinter ma cloche. Tandis que le soleil se voit aidé par la réalisation de notre tâche. Lorsqu’il se lève, tout est de nouveau à sa place.
Car le jour est une grande folie. Le jour, éclairé par le soleil, est l’instant de l’oublie. C’est durant cette période du jour, que les humains oublient qui ils sont vraiment. C’est très étonnant à observer, car ils se promènent la nuit, dans leurs corps d’énergie, voyageant dans l’univers entier. Ils prévoient avec une grande conscience, les instants qui viendront animer leur lendemain. Sans limite, ils créent le monde de mille couleurs. Il y a des rires, de la joie, de la légèreté. Tous les humains sont heureux la nuit. Ils ne connaissent plus aucun peine, plus aucun chagrin, car ils savent que tout cela n’est qu’un jeu de rôle très bien joué.
Mais quand vient le matin, et que débute le chant du soleil, comme un profond envoutement, les humains oublient tout. Et jouent de nouveau ce jeu particulier. Ils en oublient que ces peines qui les emprisonnent, ne sont que le chant du soleil qui les peint de nouvelles couleurs. Loin d’une punition, ce jeu intense est une mission : créer dans ce monde de matière, les espoirs du chant de la nuit. Ces projets, ces couleurs et cette liberté qu’ils expérimentent lors de ces douces nuits.
Savez-vous que les rêves sont réels ? Ils sont simplement l’expression d’une nouvelle conscience. La conscience existe dans le rêve, elle est en effervescence lors des rêves. Elle synthétise toute information, elle récupère les apprentissages de la veille, et se les approprie pour créer les apprentissages de demain. C’est d’une beauté infini tout ce qui se joue lors du ballet de la lune et du soleil : « Créateur d’un nouvel univers, créateur de demain. Je tinte de ma cloche, le deux qui ne fait plus qu’un. ». C’est exactement cela qui s’articule chaque jour.
Car ce que vous n’imaginez pas, c’est bien que la lune et le soleil ne font qu’un. Ils sont merveilleusement singuliers, mais leurs beautés ne font qu’une.
Dites aux humains autour de vous, qu’ils sont des voyageurs, des créateurs, des jardiniers du monde. Ce soir lorsqu’ils iront se coucher, ils sauront, qu’ils retournent là où les limites n’existent pas. Dites leurs, qu’à leur réveil, ils joueront ce qui a été créé durant le chant de la lune. Et qu’en remerciant le chant du soleil, ils se rappelleront, que la tristesse n’est qu’un oublie de ce qui est vraiment.
Maintenant, si cela ne vous dérange pas, je dois faire tinter ma cloche le plus loin possible, pour parfaire la création d’un monde nouveau. Le nouveau monde de demain. »
Ce matin, en me réveillant emmitouflée dans mes couvertures, en boule sur mon canapé, je me sens bien. Avec la vague impression que cette nuit fut particulière. Je me souviens d’un étrange rêve, dans lequel se promenait un lutin.
Et pourtant, je ne me souviens de rien.