Chapitre 7 : Allongée dans un cercueil

La nuit est tombée très tôt ce soir. Nous sommes en plein hiver. Dehors le vent est glacial, et il règne cette lourdeur autour de notre maison. L’ambiance est pesante, terrifiante, comme pour les soirs de visite. Car voilà quelques semaines que je reçois régulièrement de petites visites improvisées, de défunts de passage. Non pas des attaques, car ils se contentent de se promener dans ma maison, pour un temps court, en général.

Il y a eu cet homme à la veste en jean que ma mère a reconnu à la description, comme étant le défunt mari de notre chère voisine. Il y a eu également ce grand-père qui me prenait pour sa petite fille. Il était accompagné d’un labrador beige, peut-être un ami rencontré en chemin ?
Il y a bien eu cet homme aussi, qui se creusait un « trou » dans le sol de la chambre de mon frère, pour se cacher, par honte de lui-même. Il me semble que la culpabilité nous suit même après notre passage dans l’autre monde. Il y a eu cet enfant, qui durant quelques semaines, s’asseyait en haut des escaliers, et criait « Maman ». Ma mère l’a même entendu durant plusieurs nuits !

Il y a beaucoup de passage. Certains sont plus agréables que d’autres. Il y a des situations pour lesquelles nous ne sommes pas vraiment préparés.

En ce soir d’hiver, je savoure le confort d’un foyer réconfortant, de la nourriture en quantité, et de la chaleur d’une cheminée. Cela nous donne cette douce sensation d’être en pleine sécurité. Cette chance savourée, nous donne l’ivresse d’être protégés de tout. La matière nous offre l’abondance, le confort. Je pense souvent à toutes ces personnes qui ne connaissent pas cette chance. Et j’en suis triste. Alors je tente chaque jour de remercier l’Univers, et de me remercier, d’avoir attiré tout cela dans cette incarnation.

Vient l’heure d’aller se coucher. Comme toujours, mon rituel du soir se déroule sans encombre. La soirée télé est terminée, l’appel du sommeil vient interrompre un scénario pourtant si bien ficelé. Je monte doucement les escaliers. Et je sens bien que l’ambiance pesante de l’extérieur, se hisse, se diffuse, et possède petit à petit chaque centimètre-carré de notre doux foyer.

L’angoisse monte petit à petit. Je ne ressens pourtant pas ce mal-être comme étant inhabituel. Ma chambre est occupée par des défunts de passage, mais cela ne viendra pas troubler l’ordre des choses.

Je met mon pyjama, me glisse sous la couette, et attends doucement le sommeil.

Je me sens somnoler, partir doucement dans le monde des rêves. Je perds toute notion du temps, il me semble être ensommeillée, mais que ma conscience est toujours présente. Une douce sensation d’ivresse s’empare de mon être, mes yeux se ferment, puis s’ouvrent, à un rythme de plus en plus lent. Jusqu’à me laisser sombrer dans un sommeil profond.

Je me réveille quelques heures plus tard. Il me semble qu’il s’est écoulée à peine une heure. J’entends toujours le bruit lointain de la télé, et il y a du mouvement dans la salle de bain.
Je reprends conscience de mon corps, d’où je suis. Je tente de me repérer dans le temps et dans l’espace.

Quand soudain …

Mais pourquoi mon corps est-il comme ça ? Mais que … ? Qu’est-ce que … ? Et qui sont ces gens au pied de mon lit ?

La panique s’empare de moi, je sens mon coeur accélérer ses battements, jusqu’à me faire sentir sa existence plus que de normale. Il y a à mes pieds, trois personnes. Une femme au milieu, et deux hommes à ses côtés. La femme porte un tailleur chique et sobre, bleu marine. Les deux hommes portent, quant à eux, le même costume bleu marine, avec une chemise blanche. Tous leurs vêtements semblent accordés. Il sont debout, face à mon lit, au niveau de mes pieds. Ils me regardent sans un mouvement, avec cet air sévère me donnant froid dans le dos.

Mais c’est lorsque je m’intéresse à la réaction de mon corps, que je comprends qui sont ces personnes. Du moins, que leurs habits ainsi que leurs airs grave, se justifient.

Je suis allongée sur le dos. Ce qui n’est vraiment pas habituel pour moi. Mes jambes sont tendues,  droites comme des piquets. Et mes bras sont plaqués contre mon corps, traçants une ligne le long de mon buste. Ma tête reste droite également sans une quelconque inclinaison.
Cette position, je la reconnais. Et ce qu’elle m’inspire me fait monter l’angoisse. En effet, elle me rappelle la façon dont était positionné mon arrière grand-père, lors de ses funérailles. Il ne me semble pas, qu’un humain bien vivant, confortable dans son corps, puisse adopter pareille position.

Lorsque je me rends compte que mon corps est positionné, comme un décédé dans son cercueil. La présence de ces trois êtres inconnus, dans leurs habits de cérémonie, me donne la chair de poule.

Je ne sais que faire, je ne sais comment réagir. J’ai peur de bouger, de détendre mon corps en changeant de position. J’ai peur qu’ils m’attaquent. Dans mon esprit, je me demande s’ils m’annoncent ma propre mort. Je me demande si c’est un mauvais présage. Il m’est arrivé plusieurs fois, d’avoir à faire à des êtres désagréables, même … Menaçants.
Voudraient-ils me faire du mal ? Est-ce une menace de leur part ? Vais-je mourir là, cette nuit ?
Les idées s’affolent dans ma tête.
Mais je trouve finalement le courage, de bouger très légèrement mes bras.

Tétanisée de peur, je n’ose rien. J’attends. Et puis, trou noir.

                                                                                             …

Je me réveille doucement, comme chaque matin. Et me rappelle immédiatement de l’expérience de la veille. Avec cette angoisse persistante logée dans mon ventre. Je tente de me souvenir de chaque détail. Mais il m’est impossible de me souvenir des instants, précédents mon endormissement. Je suis malgré tout heureuse d’être bien là, bien vivante. Et que mes terreurs ne se soient pas vérifiées.

Je me dis malgré tout, que mon corps subit bien des angoisses et des souffrances. Et il me semble que sa faculté à s’endormir, même en état de stress intense, ne soit pas vraiment une bonne chose.

En tout cas, je ne reverrais jamais ces trois êtres étranges.

Léa,
Nouvelles Vibrations 

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